MyTree - 02/06/2022
L'agroforesterie pour redonner vie au sol
Les sols agricoles sont appauvris : c’est le constat unanime des agriculteurs d’Europe. Les taux de matière organique baissent dans les sols en raison de la pression de produire toujours plus. Cela mène aux pratiques culturales suivantes : arrachage de haies, déstructuration du sol par le labour, exportation des résidus de culture, désherbants, fongicides…Bref, les sols sont mis à rude épreuve. De son côté, l’agroforesterie cherche à se rapprocher du fonctionnement de la nature pour apporter diversité et matière organique au sol. Zoom sur ces pratiques qui apportent aux agriculteurs des solutions pour redonner vie à la terre.
Le sol et ses supers pouvoirs
Le sol est LE support de vie dont dépendent tous les êtres vivants terrestres. Souvent sous-estimé au profit d’autres symboles de la biodiversité, le sol regorge de fonctions essentielles à la vie.
En évoquant le stockage de carbone, beaucoup pense aux arbres. Or, le sol est le deuxième puit de carbone après les océans ! Il contient 3 fois plus de carbone que l’atmosphère et la biomasse terrestre. Rappelons que la moitié de la matière organique du sol est composée de carbone. En Europe, 200 millions de tonnes de carbone sont libérées chaque année du au labour. Un sol peu travaillé évite donc les rejets de carbone dans l’atmosphère.
A vue d'œil, le sol n’a pas l’air de fourmiller de vie. Détrompez-vous ! On y retrouve tout un cortège d’organismes vivants qui contribuent à la fertilité du sol ; la structuration du sol ; la décomposition de la matière organique. Les organismes vivants sont les ouvriers du sol s’assurant de son bon fonctionnement. D’ailleurs, ces organismes sont si nombreux que les scientifiques estiment connaître seulement 10% des êtres vivants dans le sol. Parmi eux, les lombrics sont sans doute les plus connus. Ils contribuent à la croissance des plantes en aérant le sol et en recyclant les déchets organiques.
Avez-vous entendu parlé des mycorhizes ? Ils font partie de l’univers fascinant des champignons, dont les mycorhizes sont les parties vivant en symbiose avec les arbres. Ce phénomène se traduit par un échange entre les arbres et les mycorhizes. Ces dernières ayant accès facilement aux minéraux et à l’eau fournissent à l’arbre ces ressources en échange de sucre et de vitamines issues de la photosynthèse des arbres. Un vrai travail d’équipe. D’ailleurs, des agriculteurs utilisent des mycorhizes pour faciliter la croissance de leur culture !
L’agroforesterie pour restaurer les sols appauvris
Un sol nu (sans racines) est un sol instable et sensible à l’érosion pluviale, l’eau des averses s’écoule sans obstacle physique le long des parcelles en entraînant des particules de sol. A contrario, les racines de l’arbre améliorent la structure du sol. La porosité augmente et l’eau s’écoule moins vite, permettant ainsi une meilleure infiltration et un meilleur stockage de l’eau. A l’échelle d’une parcelle, les alignements d’arbres permettent progressivement de réduire les écoulements de boue. L’érosion éolienne, moins conséquente, est également réduite par l’effet brise-vent des haies.
Par le même processus, les haies luttent contre la perte de nutriments lors de l’érosion des sols. En prenant l’exemple du phosphore, on se rend compte qu’il faut agir, et vite. Une étude de la revue Nature communications affirme que 50% des pertes de phosphore dans l’agriculture sont dues à l’érosion des sols. Or, ce nutriment est nécessaire pour la croissance des plantes. Planter des arbres s’avère être une des solutions les plus efficaces afin de contrer ce déficit.
Globalement, les pratiques culturales de l’agriculture intensive réduisent la matière organique des sols. Par conséquent, les cycles fondamentaux de la vie( cycle du carbone, cycle de l’eau) sont déstabilisés. Cet appauvrissement des sols mène inexorablement à un manque de fertilité menaçant tout simplement la sécurité alimentaire mondiale. En agroforesterie, les arbres et les haies permettent de recréer des sols vivants en apportant aux sols davantage de composants organiques : feuilles qui tombent, résidus de branches, racines décomposées… La couche de matière organique (la litière) se forme progressivement.
Vers une meilleure gestion des sols
Autrefois pratiqué avec excès, le labour est pointé du doigts pour son effet destructeur du sol. En effet, en retournant le sol sur des dizaines de centimètres, les couches de sols appelés “horizons” sont mélangés. L’équilibre biologique est rompu.
En forêt, le sol fertile est toujours recouvert d’une épaisse couche organique composée de feuilles, de bois morts, d’insectes. Ici, la nature est claire : un sol fertile est un sol couvert jamais travaillé. En s’inspirant du modèle forestier, l’agroforesterie applique des techniques de conservation des sols : réduction ou arrêt de labour, couverture permanente des sols, semis direct, rotation des cultures, épandage d’engrais vert, limitation des intrants phytosanitaires… Attention cependant à ne pas apporter des nutriments en excès qui est tout autant néfaste que la carence.
Un des exemples majeurs de la conservation des sols est le semis direct sous couvert végétal. Cette forme d’agriculture sans labour permet de réintroduire beaucoup de matières organiques dans le sol, sans jamais laisser celui-ci à nu exposé à l’érosion, et sans recours à des biocides comme le glyphosate. Les couverts végétaux permettent de protéger les sols par rapport à la pluie, le vent, la sécheresse, le soleil…. mais aussi d'améliorer la fertilité du sol, de stimuler l'activité microbienne et de favoriser la biodiversité.
Une autre technique bien connue est la rotation des cultures. Elle offre une alternative simple à la technique récurrente de la monoculture implanté pendant des années sur la même parcelle. Le problème ? Les cultures n’ont pas les mêmes besoins nutritionnels. Planter une même culture pendant des années revient à appauvrir le sol de certains éléments. Un déséquilibre entre les nutriments se creuse et la culture devra faire face au manque de nutriments. En d’autres termes, le rendement de la culture sera moindre. La rotation des cultures permet alors d’alterner des cultures s’alimentant de nutriments différents.
En parallèle de ces techniques, des arbres sont plantés en fonction des conditions climato-pédologiques et des besoins de l’agriculteur. Une multitude de choix s’offre à lui : des haies brise-vent, des haies anti-errosion, des haies mellifères… Pour respecter le modèle forestier, les haies sont composées d’essences différentes et de strates différentes (arbres, arbustes, herbacées) afin d’apporter une large gamme de matière organique au sol.
Épiderme de la Terre, le sol est un système complexe qui garantit la fertilité et la ressource en eau si son fonctionnement est respecté. Gardons à l’esprit que la qualité de nos aliments dépend directement de la santé des sols. La prise de conscience des agriculteurs est donc aujourd'hui claire : il faut replanter et adopter les techniques de culture de conservation du sol. L'agroforesterie constitue la solution permettant d’allier protection et production, renforçant la biodiversité au cœur des parcelles et bénéficiant à l’agriculteur et à l’ensemble du territoire.