Comprendre le lien entre les végétaux et les champignons
Un véritable internet souterrain
En cette saison des champignons, nous sommes nombreux à guetter la sortie de bolets, de chanterelles, qui enchantent nos papilles. Ce qu’on appelle « champignon » n’est en fait que la partie visible de l’iceberg, et correspond au fruit qui assure la reproduction. La partie invisible des champignons se situe dans le sol sous forme de mycélium, minuscules filaments blancs (plus fins qu’un cheveu) qui s’associe aux racines des végétaux. Ces champignons sont appelés « mycorhizes ».
L’origine du mot “mycorhize” provient du grec ancien : « mukês » (champignon) et « rhiza » (racine). La signification prend tout son sens puisque les mycorhizes sont des champignons symbiotiques parce qu’en relation avec les racines des plantes et des arbres. On rencontre plusieurs types de symbioses mycorhiziennes, les deux principales sont les ectomycorhizes et endomycorhizes (la plus commune : 80 % des plantes). Les mycorhizes développent le mycélium autour des racines (ectomycorhize dont les fruits sont des truffes ou des chanterelles, par exemple) ou pénètrent dans les racines des végétaux (endomycorhize).
Les mycorhizes représentent les organismes vivants les plus remarquables sur la planète. A chaque endroit végétalisé, il y a de grandes chances de retrouver des mycorhizes dans le sol puisqu’ils représentent près de 90% des végétaux.
Le lien champignon/arbre ne s’arrête pas là ! Les mycorhizes sont connectées entre elles pour former un véritable réseau souterrain. Cette relation manifeste que les arbres et les plantes sont en lien constant. Ils utilisent d’ailleurs ce réseau pour communiquer ! En cas d’attaque, un arbre peut prévenir ces congénères via l’envoi de molécules à travers les mycorhizes. Par exemple, ces messages peuvent inciter les arbres à augmenter la teneur des tanins des feuilles ce qui devient répulsif contre les herbivores.
Une symbiose arbre/champignon
La symbiose entre les végétaux et les champignons date des premières apparitions sur la terre des végétaux qui n’avaient pas encore de racines. Les champignons, présents sur terre bien avant, se sont liés aux végétaux afin de leur fournir des minéraux essentiels à leur croissance. Depuis, les végétaux et champignons ont évolué ensemble et perfectionné leur relation symbiotique par les mycorhizes. Ces dernières, incapables de faire de la photosynthèse, reçoivent les produits carbonées (glucose, fructose) de la part des plantes issues de l’activité photosynthétique des feuilles. En échange, les mycorhizes transmettent de l’eau et des minéraux (phosphore, cuivre, calcium, magnésium, etc.) qui ne sont pas assimilables par les racines. Les filaments des mycorhizes sont 10 fois plus petits que les racines, ils peuvent ainsi explorer et atteindre de plus grandes ressources.
La relation champignon-plante est l’illustration parfaite de l’expression « l’union fait la force » ! La symbiose est un équilibre entre les bénéfices réciproques apportés par chacun des deux partenaires. Parfois la collaboration se déséquilibre, un arbre tombe malade, certaines mycorhizes peuvent en profiter pour s’accaparer les ressources et proliférer. La situation tourne ainsi au parasitisme puis au saprotrophisme (recyclage de la matière végétale après la mort de l’arbre).
Quand agriculture et nature rime ensemble
La communauté scientifique a démontré à maintes reprises l’existence des bénéfices apportés par les plantes mycorhizées. Nous pouvons en citer les plus importants :
- Résistance aux pathogènes : en étant mycorhizés, les plantes sont mieux protégées des maladies et des ravageurs. Les mycorhizes mettent en place une stratégie d’attaque et de renforcement des défenses de la plante.
- Résistance au stress hydrique : en période de sécheresse, les mycorhizes ont un pouvoir d’extraction de l’eau bien supérieur à des racines non mycorhizées. Les mycorhizes aident également les plantes à réagir plus rapidement en fermant leurs stomates pour réduire leur transpiration.
- Diminution de la nécessité des engrais et traitements chimiques : la première fonction des mycorhizes est de transmettre des minéraux, notamment le phosphore et l’azote, deux minéraux essentiels au développement des plantes. Sans mycorhizes, une plante ne peut assimiler le phosphore et l’azote dans le sol sans apport d’engrais assimilable. Les légumineuses sont particulièrement dépendantes des mycorhizes puisqu’elles ont besoin d’une quantité importante d’azote.
La collaboration entre les plantes et les champignons n’est pas passée inaperçue à un certain nombre d’agriculteurs, sylviculteurs et horticulteurs. Par cette prise de conscience, des agriculteurs mènent une stratégie de conservation des sols pour entretenir le réseau mycorhizien. Cette stratégie passe par une compréhension des effets nocifs du labour, des produits phytosanitaires et des engrais sur l’activité mycorhizienne. En effet, une diminution des mycorhizes rend plus difficile la croissance des plantes, qui deviennent donc dépendantes des apports externes. Ce cercle vicieux brise la relation symbiotique plante-champignon, provoquant l’appauvrissement des sols et des cultures. Sans oublier une conséquence financière pour l’agriculteur, contraint par l’achat de produits remplaçant le rôle des mycorhizes.