Agroforesterie et viticulture : un duo gagnant
A contraintes multiples, modèles multiples
L’agroforesterie en grande culture ou en élevage prend de l’ampleur. Elle atteint la viticulture. La combinaison arbre et vigne remonte à l’antiquité. Les vignerons laissaient les vignes grimper le long des arbustes et des arbres fruitiers. Dans certains cas de polyculture complète, des légumes et des céréales étaient plantés entre les rangs de vignes.
Plusieurs modèles d’agroforesterie adaptés à la vigne existent. Ils sont choisis en fonction du contexte des parcelles et des choix du vigneron. Deux principaux modèles sont adoptés par les vignerons :
- intraparcellaire : des alignements d’arbres sont plantés entre les rangs de vignes composés d’arbres de haut-jet ou d’arbustes,
- le long des parcelles : des haies sont plantées au bord des vignobles pour leurs effets brise-vent, pour stopper la propagation de pesticides ou afin d’ajouter un corridor écologique connecté à des milieux naturels.
En somme, chaque modèle s’adapte au vignoble et aux volontés du vigneron par rapport à ses objectifs de production et de la valorisation des arbres. En effet, si son choix porte sur des essences fruitières ou des arbres de bois d'œuvre, le vigneron bénéficiera de revenus supplémentaires liés à l’exploitation durable des arbres.
Protéger les vignes des événements climatiques
Anticiper et s’adapter aux effets du changement climatique est un facteur déterminant pour la qualité du vin et son rendement. Des événements climatiques peuvent ruiner une production et mettre à mal la situation économique des producteurs. Que ce soit le gel tardif, la hausse des températures, la sécheresse, les tempêtes ou la grêle, la vigne est menacée à chaque saison. C’est pour cela que la viticulture migre progressivement au Nord afin de moins subir la hausse des températures. En janvier 2022, une trentaine de vignerons se sont regroupés en une association « “les Vignerons de Normandie ». Cette région pourtant connue pour sa forte pluviométrie est la terre des futurs vins normands à proximité du cidre traditionnel. Ce phénomène s’étend même en Hauts-de-France où des agriculteurs se convertissent en vignerons. Mais le changement climatique évolue vite, cette migration de quelques centaines de kilomètres sera-t-elle suffisante dans 50 ans ? La hausse des températures signera-t-elle la fin des vignobles français ? Aucune certitude pour l’instant, seul l’avenir nous le dira. Mais il ne serait pas étonnant que des pays nordiques puissent à terme cultiver leurs propres raisins.
Au Sud et au Centre de la France, les vignerons n’ont d’autres choix que de s’adapter. Certains choisissent les solutions à court terme pour sauver leur récolte. Parmi ces techniques, la mise en place de bougies entre chaque rang de vigne afin de protéger les bourgeons du gel. Une opération d’ampleur qui est pourtant loin d’obtenir des résultats certains. Si la température du sol franchit le seuil de -2°C, les bourgeons ne résistent pas. De plus, pour protéger un hectare, il faut 400 bougies dont le prix s’élève à 9 euros pièce.
Les effets de l’arbre sur les vignobles
D’autres vignerons anticipent le changement climatique sur le long terme et investissent dans l’agroforesterie. Un des principaux atouts de l’arbre au sein d’un vignoble est son effet de régulation des températures. Grâce à l’action des racines puisant l’eau en profondeur, l’arbre rejette de l’humidité. Il apporte également de l’ombrage, ces deux effets combinés diminuent la température ambiante sur quelques mètres lors des épisodes caniculaires. La nuit, l’arbre apporte de la chaleur au sol ce qui diminue les risques liés au gel tardif du printemps. S’ajoute à cela l’effet brise-vent des haies, constituant un obstacle au vent froid d’hiver.
Intéressons-nous maintenant à la biodiversité apportée par les haies. Les vignobles sont par définition pauvres en biodiversité, réintroduire des arbres permet de valoriser la viticulture et de reconnecter les vignobles au reste des milieux naturels limitrophes. Dans tout le cortège d’animaux accompagnant la vie d’un arbre, on peut compter des centaines d’espèces d’insectes et de mammifères. Certaines sont particulièrement utiles à la viticulture afin de réguler les ravageurs. C’est notamment le cas des chauves-souris qui sont des prédateurs du ver de la grappe, un des ravageurs de la vigne les plus virulents (Replanter des haies pour protéger les chauves-souris ).
Les haies améliorent grandement la santé des sols. Selon l’Institut Français de la vigne et du vin, des analyses de sol ont notamment montré que les sols des vignobles ont la biomasse microbienne la plus faible comparée à celle des prairies et des forêts. Or, un sol fertile est un sol riche en microorganismes (bactéries, champignons, …). Ainsi, en introduisant des arbres, les microorganismes se développent dans les sols des vignobles. Ils contribuent au recyclage des nutriments nécessaires à la croissance des vignes.
Enfin, les haies forment des obstacles contre la propagation des résidus de pesticides pulvérisés dans des parcelles agricoles voisines. Les appellations et les labels ont des exigences en termes de quantité de produits phytosanitaires. Certains vignerons ont donc intérêt à protéger leurs vignobles des possibles contaminations préjudiciables à la qualité des vins et à la santé des consommateurs.