MyTree - 09/07/2023

Néonicotinoïdes dans les betteraves : comment s’en passer ?

Les néonicotinoïdes, utilisés pendant des années contre les pucerons, vecteur de la jaunisse, sont interdits depuis 2018. Des alternatives existent, notamment la régulation par les auxiliaires de cultures attirés par les haies bocagères.

 

 

La betterave sucrière : un secteur en péril

Presque indispensable dans l’industrie agroalimentaire, le sucre est omniprésent dans nos assiettes : plat transformé, dessert, yaourt, jus de fruit…. Le sucre est d’origine végétale, provenant de deux plantes principales : la canne à sucre, cultivée en zone tropicale et la betterave sucrière, cultivée en France. La France détient la première place en production de sucre et d’alcool agricole grâce à sa filière betterave sucrière, implantée dans le Nord de la France, de la Normandie à l’Alsace. Bien que l’usage premier soit la production de sucre, d’autres coproduits sont issus de la filière tels que la mélasse, les vinasses, les pulpes et l’alcool pour des usages industriels et agricoles. En effet, les processus de fermentation et de distillation des betteraves permettent d’obtenir un alcool, soit pour le bioéthanol (le carburant E95), l’alcool pour des boissons ou les parfums.

La betterave est donc intégrée dans de nombreuses filières d'approvisionnement française, pourtant, une menace plane sur les champs de betterave : la jaunisse. Connue depuis de nombreuses années, la jaunisse est devenue la préoccupation majeure depuis 2018, date de l’interdiction des néonicotinoïdes à l’échelle européenne. Les néonicotinoïdes sont tenus en partie responsables par de nombreuses études scientifiques de la mortalité anormale des pollinisateurs, notamment des abeilles. Une interdiction avec de lourdes conséquences dans l’agriculture puisqu’en 2020, les betteraviers ont été confrontés de plein fouet à l’invasion de pucerons sans avoir à l’époque d’alternatives viables contre ces ravageurs. Certains cultivateurs ont subi des pertes de rendements jusqu’à 80%. Cette maladie soulève donc la question d’adapter les pratiques culturales.

 

Zoom sur la jaunisse

La jaunisse se transmet principalement par deux pucerons : le puceron vert du pêcher (Myzus persicae) et le puceron noir de la fève (Aphis fabae). En 2020, nous dénombrons 4 virus responsable de la jaunisse dans les exploitations betteravières françaises :

  • Virus de la jaunisse modérée (BMYV), Polérovirus
  • Virus de la chlorose (BChV), Polérovirus
  • Virus de la jaunisse grave (BYV), Clostérovirus
  • Virus de la mosaïque (BtMV), Potyvirus

Au printemps, si le signe visible est la couleur jaune des feuilles, le problème se situe sous terre où les racines sont mal développées avec un taux de sucre bas.

 

Haie bocagère comme alternative durable aux néonicotinoïdes

Cette année, la Cour de Justice Européenne fait barrage aux dérogations des néonicotinoïdes, contraignant les betteraviers à se tourner vers des alternatives de lutte contre les pucerons telles que la plantation de haies. Maîtriser les ravageurs en attirant les prédateurs naturels est une des stratégies plébiscitées par la sphère scientifique, notamment par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Pour cela, les haies sont LE support de vie des insectes prédateurs, aussi appelés auxiliaires de cultures. Nectar et pollen, deux substances alimentaires essentielles pour ces auxiliaires, se trouvent dans les haies mellifères qui offrent également des habitats naturels pour la reproduction, la chasse, l’hibernation et la migration. Ces fonctions élémentaires de la haie jouent ainsi un rôle dans l’attraction de toute la faune prédatrice des pucerons dont voici une liste non exhaustive :

  • Chrysope : cet insecte vert aux ailes transparentes à l’état adulte se nourrit exclusivement de nectar et de pollen. Seules les larves consomment 30 pucerons par jour pour accomplir leur croissance.
  • Coccinelles : au printemps, les femelles coccinelles pondent des centaines d'œufs chacune proche d'une source de nourriture, c'est-à-dire des plantes et des arbres mellifères. Chaque larve est capable de manger 150 pucerons par jour.
  • Syrphes : Les adultes sont floricoles et s'alimentent de nectar et de pollen. Les larves zoophages ont pour proies divers insectes avec une prédilection pour les pucerons (50/jour).
  • Cantharide : auxiliaires de cultures, leurs larves consomment de nombreux œufs de pucerons tandis que les adultes attaquent les pucerons adultes (30/jour).

Planter des haies signifie rétablir l’équilibre de l’écosystème agricole entre les ravageurs et leurs prédateurs dont les populations ne représentent plus une menace pour les cultures. En fonction des milieux agricoles, la population de pucerons est trop importante pour être hors du seuil de nuisibilité par les prédateurs. C’est pourquoi il est important de coupler la plantation de haies avec d’autres techniques de lutte : sélection variétale de betteraves résistantes à la jaunisse ; pulvérisation de substances biologiques, association culturales des betteraves avec d’autres plantes… Le choix est vaste !