MyTree - 22/12/2022

Les tourbières : des puits de carbone menacés

Saviez-vous que les tourbières stockent plus de carbone que l’ensemble des arbres sur la planète ? Ce puits de carbone est pourtant mis en danger par les activités humaines dont la principale conséquence est le relâchement de carbone dans l’atmosphère.

 

 

Comment se forment les tourbières ?

L’origine des tourbières remonte à la fin de la dernière glaciation, il y a 12 000 ans, si bien que l'épaisseur de la tourbe peut varier, dans certains lieux, de 50 cm à 10 m. Les tourbières sont des écosystèmes submergés d’eau stagnante permanente, privant ainsi le sol d'oxygène. Dans cette condition anaérobique (absence d'oxygène), les microorganismes responsables de la décomposition de la matière organique sont peu présents. Le recyclage et la décomposition de la litière végétale s’avérant être des processus très lents, la matière organique s’accumule peu à peu, formant ainsi une véritable roche végétale appelée tourbe.

 

Où trouve-t-on des tourbières ?

Ces écosystèmes marécageux s’étendent sur 3 % de la superficie terrestre, et observables dans 180 pays, de l’Amérique du Sud à l’Asie. Certaines tourbières, situées en Europe du Nord, sont même gelées. En France, selon les Conservatoires d’Espaces Naturels, les tourbières sont majoritairement présentes dans les massifs montagneux et représentent entre 60 000 et 100 000 hectares.

Cette vaste implantation géographique rend compte d’une diversité observable en termes de faune et flore. De même, les conditions atypiques de ces milieux pauvres en nutriments en oxygène, froids et acides, ont généré une biodiversité atypique. Par exemple, pour compenser le manque de nutriments, on constate que certaines plantes sont devenues carnivores telles que les Droséras. Quant au lézard vivipare, il se protège du froid grâce à une molécule anti-gel.

 

La Droséra, petite plante insectivore, vit dans des milieux humides, pauvres et acides - des conditions similaires aux tourbières.

 

Un écosystème champion du stockage carbone

A partir de l’accumulation de matière organique, la tourbe peut contenir près de 20 à 30 % de carbone (principal composant) et s’impose comme l’écosystème terrestre le plus riche en carbone ! De même, les tourbières sont les championnes du stockage du carbone soit ⅓ du stock localisé dans les sols à l’échelle mondiale. Par leur propension à capter du CO2, elles contribuent à lutter contre le réchauffement climatique.

 

Un stock de carbone fragilisé par sa dégradation

Le très lent processus de formation de tourbières, 5 à 10 cm par siècle, met en évidence la sensibilité de cet écosystème.

Comme ressource naturelle, la tourbe s’est avérée être d’un intérêt certain pour l’industrie. Elle est extraite en grande quantité pour ses nombreux usages, notamment en tant que combustible une fois sèche, ou en tant qu’isolant thermique dans les pays nordiques tels que l’Islande et l’Irlande.

En France, l’extraction de la tourbe s’est orienté principalement vers le secteur de l’horticulture (les plants se développent très bien dans la tourbe). De même, le terreau, utilisé pour enrichir le sol, est principalement composé de tourbe. Mais son exploitation, loin d’être durable, a supprimé près de la moitié du nombre de tourbières. Pour maintenir et protéger cet écosystème, nous conseillons de s’orienter vers une utilisation du fumier ou du compost. D’autres facteurs anthropiques sont jugés responsables de la disparition progressive des tourbières, en raison du drainage de l’eau pour l’agriculture ou la sylviculture, de l’artificialisation des sols, de la submersion pour la création de barrages, des incendies et du réchauffement climatique.

La destruction de cet écosystème, menace la biodiversité. Mis à part le point de vue écologique, les conséquences climatiques de la destruction des tourbières, ne sont pas moindres. En effet, le réchauffement climatique, par ses différentes répercussions (hausse de la température, changement de la végétation) ainsi que les autres causes de dégradation, provoquent le relâchement du CO2 des tourbières dans l’atmosphère. Le CNRS estime que « les émissions annuelles de dioxyde de carbone par les tourbières dégradées représentent d’ores et déjà 5 à 10 % des émissions anthropiques annuelles mondiales de CO2 ».

L’enjeu est donc de miser sur des mesures ambitieuses de protection des tourbières. Cette question a été évoquée par des scientifiques lors de la COP15 ce mois-ci à Montréal. Un appel peut être entendu par la décision de protéger 30% de la planète et de restaurer 30% des milieux dégradés. Il reste à connaître les détails les modalités de protection et quels écosystèmes bénéficieront de cette protection/restauration.